Mais pourquoi les gens toussent-ils dans les concerts ?
Et toujours dans les silences, alors qu'il suffit d'attendre un "fortissimo" ou un "tutti" de l'orchestre ?
Des esprits savants se sont posé la question ; plusieurs options ont été retenues :
1) les "tousseurs de concerts" auraient le trac, impressionnés par la solennité de l'instant.
2) les expectorants de service ne peuvent réprimer une toux nerveuse, dite aussi "toux sportive".
3) il n'est pas exclu qu'un spectateur souffre de bronchite aigüe (dans ce cas, rester chez soi pour écouter France Musique est la meilleure solution).
L'excellent pianiste Pierre-Laurent Aimard, récemment, dut interrompre un récital troublé par un déferlement catarrheux tonitruant.
Il s'adressa au public du Théâtre des Champs Elysées en ces termes : " “Mesdames, Messieurs, je voudrais vous rappeler qu’une salle de concerts est faite pour y faire de la musique et non pour tousser”.
Sur un site québécois, on propose des solutions (ou de la "solutricine" ?) : il est conseillé d'“essayer de maîtriser sa toux ou ses éternuements. Si l’on est sujet à tousser, prendre une gorgée de sirop contre la toux avant de se rendre au concert peut aider à régler le problème. Un bon moyen d’amortir le bruit d’un éternuement consiste à enfoncer la bouche dans le coude; on peut aussi essayer d’attendre un moment où le volume sonore est particulièrement élevé”.
En Angleterre, dans les programmes, on conseille de tousser dans un mouchoir, cette pièce de tissu permettant d'étouffer la canonnade.
Certaines salles du même pays vont même jusqu'à mettre des mouchoirs à disposition des spectateurs à l'entrée !
Il est permis de penser que la toux et les bruits divers furent l'une des raisons qui poussèrent Glenn Gould à renoncer aux prestations publiques pour se consacrer uniquement à l'enregistrement en studio ou à la télé.
Qu'aurait-il pensé des sonneries de téléphones-mobiles intempestives ?
Pour illustrer, car ce blog est bien fait, n'est-ce-pas, écoutons un enregistrement public du 2ème Cto de Brahms par Richter : vous remarquerez que les toux s'expriment dans les moments les plus doux.
Ah les goujats !
Pour revivre le séjour à La Roque d'Anthéron (Festival International de Piano), cliquer dans la colonne de droite (thèmes) sur "Festival" ou "La Roque..."
Créée en 1996, l'école de musique "L'Atelier Musical", située dans la plaine de Montmartre, tout près de la Mairie du 18ème arrondissement au cœur d'un quartier en mode "mosaïque", compte aujourd'hui plus de 400 élèves. Habitant ce quartier de Paris que je parcourais alors en tous sens pour enseigner, l'idée de créer une école qui viendrait en complément des structures publiques quelque peu "scolaires" disponibles s'est concrétisée deux ans après que l'association Atelier Musical Paris Seine ait vu le jour dans le but initial d'étudier la faisabilité du projet. Des locaux vacants à proximité de plusieurs écoles primaires me décidèrent à donner corps à l'initiative. Dans les débuts, seul le piano y fut enseigné ; nous étions trois professeurs pour une quarantaine d'élèves. Il me fallut plusieurs années pour peaufiner la démarche pédagogique qui consiste à apprendre l'instrument par petits groupes de 4 : que n'ai-je entendu alors, venant de structures parallèles ? Aujourd'hui, tout élève bien motivé, grâce à l'émulation créée par la formule, peut prétendre atteindre le même niveau (ou quasiment, pour rester modeste) que celui auquel il serait parvenu en conservatoire municipal par exemple, et cela sans que ses études musicales aient revêtu un aspect scolastique qui rebute beaucoup de candidats à l'apprentissage. Car, mine de rien, à l'Atelier, on ne néglige de rien de ce qui construit un musicien : solfège, théorie, harmonie, sont distillés tout au long de l'année scolaire et ce, dès le plus jeune âge, puisque même les tout-petits suivent, à partir de 3 ans, un véritable "cursus" musical leur permettant, à 6 ans, d'aborder l'étude proprement dite de l'instrument. Les motivations de nos élèves sont évidemment variées : il y a celles et ceux pour lesquels il s'agit d'une activité comme une autre, pratiquée avec plaisir, car dispensée sans autoritarisme. Il en est d'autres qui vont manifester un vif intérêt pour la chose musicale, voire une véritable passion. Au fil des ans, nous les repérons, les aidons à gravir l'échelle, les soutenons même après leur départ s'ils ont choisi d'aller plus loin. Déceler les talents, c'est important. Mais voir, dans le futur,une nouvelle génération de mélomanes fréquenter les lieux où la musique vit, est un but tout aussi passionnant. SC
En Lisztien convaincu -considérant que la Sonate en si mineur est un chef-d'oeuvre du piano moderne, oui, éminemment moderne, on est toujours intrigué quand un jeune pianiste ose aborder le répertoire du pianiste-compositeur hongrois, dont, entre autres, la magnifique "Vallée d'Obermann", la "bagatelle sans tonalité" ou ce "Saint François de Paule marchant sur les eaux" qui illustre si bien la fin de vie en mysticisme de celui qui fut l'une des premières "rock-star" et fit se pâmer la gent féminine de l'époque.
Guillaume Coppola (aucun lien de parenté, semble-t-il avec le cinéaste du "Parrain" !) est professeur au Conservatoire d'Aulnay-sous-bois et fut l'élève de Nicolas Angelich, Bruno Rigutto, Christian Ivaldi au CNSM et se perfectionna avec Leon Fleisher et Dimitri Baskirov.
On le consacrera "disque du mois" et vous conseillera sans réserve son disque "Liszt" chez Calliope distribué par Harmonia Mundi (réf. Cal9412).
Et pour faire plaisir à la "gent féminine qui se pâme", il y a même inclus le fameux "Rêve d'amour" !
Extraverti, clinquant -ce n'est pas ici péjoratif-, musicien par tous ses pores, Lang Lang ne peut que s'attirer les foudres des gardiens du temple.
J'avais une sorte d'a priori ridicule quand je suis allé l'écouter aux "prom's" de Londres le dernier jour du mois d'août 2008.
J' en suis ressorti enthousiaste, comme régénéré par tant de fougue communicative.
Hier sur Arte en tout début de soirée, sous la baguette d'un Eschenbach qui ne put réprimer sourires étonnés et admiratifs lors de la "cadence", Lang Lang remettait à neuf le 1er Concerto de Beethoven mille fois entendu.
Hors ses qualités techniques, ce garçon est musique.
Alors, au diable les pisse-froid de tous acabits : c'est avec cette espèce, rare, de musicien qu'on convaincra les jeunesses réticentes que le "classique" sait être vivant.
Oui, Lang Lang s'habille chez les créateurs de mode, porte des chaussures à 3 bandes, arbore une broche en strass du meilleur goût (!), danse autant qu'il joue ; mais quelles délicatesses et puissances mêlées, quelles envolées que L.Van Beethoven et ses confrères auraient aimées !
Ceux qui, c'est drôle mais facile, le surnomment "klang klang" ne l'ont pas écouté : avec lui, la musique c'est la vie !
Depuis 1975, le réseau "El Sistema" arrache les enfants des taudis de Caracas à la la misère et à la violence grâce à la musique. Le salut viendra-t-il d'Amérique Latine. A l'occasion du passage de Gustavo Dudamel (photo) à Paris, Arte diffuse lundi 26 octobre à 22h15 un document consacré à ce phénomène.
Voir l'article -"Venezuela : un Sistema et toute la jeunesse s'éprend de classique" -, très documenté et agrémenté de vidéos de Rue89 ici : cliquer !
C'était au Festival de Verbier en 2008. Evgeni Kissin, Lang Lang, Emanuel Ax, Leif Ove Andsnes, Claude Frank, Mikhail Pletnev, Staffan Scheja, et James Levine jouent à 8 pianos la fameuse "Chevauchée des Walkyries" :
On joue de plus en plus Scriabin. Ce n'est que justice. Ici, une œuvre très connue, mais transcendée par l'immense Emil Gilels (Guilels, pour beaucoup). On conseillera l'excellent coffret Gilels chez Brilliant qui offre pour un prix modique un bel aperçu de la carrière du grand pianiste russe ; sur 10 CD nous sont offertes quelques très belles pages de Chopin, Liszt, Prokofiev, Scriabin, Debussy, Ravel, Tchaikovsky, Brahms et Rachmaninoff. La Sonate de Liszt, oeuvre majeure de l'histoire du piano, est donnée en deux versions -celle de 1949 et celle de 1965- offrant deux lectures différentes de ce monument.
A La Roque d'Anthéron, au cours de l'été 2008, Nikolaï Lugansky, filmé par un mélomane matinal, travaille le "3ème" de Rachmaninov qu'il interprètera les soir-même :
J'ai du mal à me faire à cette idée : Alexis Weissenberg, bulgare exilé ayant acquis la nationalité française, a eu 80 ans le 26 juillet. De tous les pianistes que j'ai pu entendre au Casino de Cannes où j'allais au concert le dimanche après-midi quand j'étais gamin, c'est celui qui m'envoûtait littéralement. Il y avait Claude Kahn, "star" locale qui enflammait le "poulailler" par ses Liszt flamboyants ; je me souviens d'une "Fantaisie hongroise" qui était une "adaptation" par le grand Franz de l'une de ses rhapsodies, jouée ici avec orchestre symphonique. Il y eut bien sûr le grand Samson François, au soir de sa vie, qui massacra un dimanche les deux concertos de Chopin. Christoph Eschenbach était un jeune pianiste à cette époque et excellait dans Schubert. Je me souviens qu'alors il arborait une coupe de cheveux proche de celle d'Elton John ! Il est devenu chef d'orchestre -et quel chef !-, chauve et marmoréen. Tous les grands interprètes se sont succédés tout au long de ces sessions de concerts.
Weissenberg m'impressionnait plus que tout autre : je le ressentais puissant et "beethovénien". Aujourd'hui, il dispense encore de fameuses "masterclass" dont celles, très courues, d'Engelberg en Suisse. J'ai choisi de vous le faire écouter dans le 20ème Nocturne -posthume- de Chopin, au cours d'une émission de télévision où il est interviewé par... Nana Mouskouri :
Vous penserez, le voyant, que Gould était au bord de la folie : Gould était fou de cette musique qui l'habitait, à laquelle il consacra sa vie.
Bruno Monsaingeon, qui le connut bien, raconte que le pianiste, au crépuscule de sa trop courte vie, recevait chez lui au plus fort des chaleurs de l'été vêtu comme en plein hiver pour se protéger de ces miasmes qui eurent finalement le dernier mot.
Monsaingeon dit aussi combien l'humour était une caractéristique essentielle du personnage : les émissions de télé qu'il anima sur Radio Canada et CBC étaient un véritable show pendant lequel il se livrait à d'incessantes pitreries, s'affublant de déguisements divers qui le transformaient en hard-rockeur, en danseur de comédie musicale ou en clown.
Ici, dans les 2ème et 3ème mouvements du 5ème Concerto (Empereur) de Beethoven, il dégage une énergie fulgurante, une technique d'une précision confondante.
Dans le mouvement lent du début, il est "dans" l'oeuvre : rien au monde ne peut le distraire de la musique de Beethoven.
Peu soucieux des prérogatives du chef, il impulse sa marque à l'orchestre : l'empereur, c'est lui :
C'est une question qui m'a été souvent posée et à laquelle, aujourd'hui encore, je suis incapable d'apporter une réponse définitive. Si l'on considère, c'est mon cas, que l'enfant est une personne à part entière, tout repose sur l'intégrité de cette personne. Je suis souvent confronté à des parents persuadés d'avoir enfanté le nouveau Mozart et dépités quand je leur annonce qu'à l'Atelier Musical, les "petits" doivent faire d'abord un "cursus" pour les amener à choisir leur instrument, et destiné à favoriser l'acquisition des premières notions mélodiques, rythmiques et harmoniques. Ensuite, c'est une question d'individu, rien n'étant, à ces âges, inscrit dans le marbre. On assiste à des départs fulgurants qui s'essoufflent et, inversement, à des "déclics" qui surviennent lorsqu'on ne s'y attendait plus ! L'immense pianiste Arkadi Volodos* en est l'exemple qui a commencé à travailler "vraiment" le piano à l'âge de 15 ans !
De même pour le travail personnel. Certains ont besoin de travailler de façon intensive, d'autres beaucoup moins : ainsi, un éminent pianiste et professeur au CNSM me confiait récemment qu'à l'âge des grands examens, il travaillait 30 minutes par jour. Il y a cependant, je crois, une faculté à oublier. Un grand élève me disait encore, hier : "je ne travaille pas assez". C'est donc à chacun de jauger et d'établir ensuite le plan de travail qui lui correspond le mieux. En ce qui me concerne, dans la période où j'étais pianistiquement "au top", je travaillais dans l'urgence, à l'approche des concours. J'ai longtemps pensé que jusqu'à cette période "d'urgence", j'étais un dilettante. En fait, je m'accorde aujourd'hui quelque indulgence : sans "travailler" vraiment, je jouais beaucoup (tout sauf le programme imposé !) et quand je décidais, enfin, de m'emparer des œuvres de concours, je les "montais" avec une certaine facilité*.
Je suis d'une école très "française" où l'on donnait aux élèves un cartable plein de volumes d'exercices en tous genres : un livre pour les double-notes, un autre pour les arpèges, un autre pour les trilles, etc. Ridicule, pensé-je maintenant, quand tout est contenu dans un seul et même "pensum", le fameux et sempiternel "Pianiste virtuose" de ce cher M. Hanon. Aujourd'hui, je garde pour cette "somme" pianistique une gratitude certaine ; et, si je le préconise parfois selon les cas, je suis partisan de l'exercice à l'intérieur de l'œuvre. Comme un certain Cortot il y a plus d'un siècle !
Richter, dans l'indispensable "Insoumis" de Bruno Monsaingeon, affirme d'ailleurs : "je n'ai jamais fait un exercice de ma vie !". Que l'on prendra au deuxième degré bien sûr, car il va sans dire qu'il devait isoler, dans l'œuvre, le passage ardu, et le travailler... en exercices.
Pour avoir entendu, tout dernièrement, Christian Zacharias travailler inlassablement les mêmes traits de double-croches du 2ème concerto de Beethoven, on peut donc affirmer qu'on n'obtient rien sans effort. CQFD
SC
*Volodos a signé une transcription de la "Marche turque" de Mozart d'une telle qualité que beaucoup de ses confrères l'ont inscrite à leur répertoir de "bis". La voici :
Résumé des épisodes précédents Chère Lockie et Roque Enguibole, respectivement grand-mère paternelle et maternelle de l'un des participants, ont fini par retrouver la trace de la bande à Sergio Mezzo et Silvio dit "adagio ma non troppo" à La Roque d'Anthéron : les musicos avaient abandonné leur repère de l'ancienne mairie de La Roque d'Anthéron pour travailler sous un dais, dans le parc du château, sur un instrument mis à leur disposition par leur complice "Neige de l'hiver" plus connu sous le nom de Denijs De Winter. On s'était quitté au moment de l'assaut donné par les enfants contre la forteresse Zacharias, laquelle forteresse, devant tant de gentillesse, fondait comme Denijs au soleil...
Concert de clôture : Ch. Zacharias dirige la symphonie "Londres",de F.Joseph Haydn.
Je retrouve un article que j'avais mis de côté en août. Signé Jacques Drillon pour le Nouvel Observateur et intitulé "La musique dans le sang", il signale deux études scientifiques parvenant à des résultats étonnants. L'auteur de l'article résume, en exergue, en ces termes : "Selon la Faculté, quand un pianiste fait une fausse note, son cerveau le sait déjà. Et la bonne musique détruit le mauvais cholestérol." Concernant la première affirmation, on ne peut qu'approuver : je m'évertue à expliquer à mes élèves que, pianistiquement, tout procède de l'anticipation. Ainsi, on sait que la première note est "décisive" : la concentration est donc essentielle.
Pour la deuxième affirmation, on apprend en souriant que, pour améliorer la santé de leurs patients, les médecins sont arrivés à la conclusion que, je cite, "Ecouter de la musique qu'on aime augmente de 26% le diamètre des vaisseaux sanguins ; mais certains genres, trop stressants, comme le rap ou le heavy metal, les rétrécissent de 6%" ! L'auteur de l'étude "déconseille aux parents d'écouter la musique de leurs enfants, qui sur eux la même désastreuse influence que le tabagisme passif". Savoureux, non ?
Toujours selon les mêmes études, "l'écoute de la musique classique ne se borne pas à améliorer la concentration de l'auditeur : elle libère de l'oxyde nitrique, lequel détruit le mauvais cholestérol". L'étude, toujours selon drillon, finit par se saborder, citant parmi les musiques bénéfiques les "symphonies" de Bach, lequel n'a jamais écrit de symphonies. Et J.Drillon de conclure sur une affirmation de Stockhausen qui affirmait : "La mauvaise musique est celle qui vous fait du mal". Limpide.
L'article est paru dans le nouvel Observateur n° 2336 daté du 13 août 2009 en page 70.
Ce sont des extraits de "Fleurs de Bach", un fort beau "reportage" de Christine Lemaire, grand-maman maternelle de l'un de nos petits pianistes ; accompagnée de Dany, l'autre mamy –la "paternelle"-, Christine s'est lancée sur les traces de notre petite troupe à La Roque d'Anthéron.
Le sel de l'histoire (le grain venant en fin de prose), c'est que nos mômes, apparemment, avaient répandu le bruit que toute visite à notre petite bande était interdite aux parents et grands-parents !
Bien au contraire, l'arrivée de ces deux touristes mélomanes nous ravit.
-Episode 3-
Isabelle (Isabelle B., mélomane de rencontre de nos 2 enquêtrices/ndlr) s’était vite éclipsée le soir, peu soucieuse de bavarder sur la musique de son idole, Alexandre T.
Isabelle est pianiste et l’on parla de ce curieux programme* du vendredi soir, avec l'Amsterdam Sinfonietta, ce quatuor de Beethoven, le n° 11 en version pour orchestre à cordes, puis cette lente mort à Venise de l’Adagietto de Mahler pour enfin Bach occupant toute la 2ème partie où, quant à moi, je préférai le piano seul…
Mais Isabelle parlait aussi de notre petite troupe : elle les avait vus et entendus, plusieurs fois, et entendu jouer.
Et même à cause d’eux – mais elle ne semblait pas leur en tenir grief- elle avait dû renoncer à suivre la répétition de Tharaud : les gamins l’avaient gêné ; et pourtant Sylvian (quel avocat !) ou bien est-ce Serge ? avait su plaider leur cause : on avait chassé les autres auditeurs…et gardé les enfants turbulents** ; Alexandre Tharaud se souvenait de son enfance proche !
Elle savait aussi que leur lieu d’entraînement était le Parc même du château, celui dont les feuilles et les sources avaient gardé la mémoire de Nicolas Angelich, Boris Berezovsky, Brigitte Engerer, Shani Diluka, Jean-Frédéric Neuberger, Zhu Xiao-Miei, Andrei Korobeinikov, Anne Queffélec, Jean-Claude Pennetier, Claire Désert, Emmanuel Strosser…!
J’aimais bien Isabelle mais elle ne pouvait que se tromper : même si coïncidaient les portraits des enfants qu’elle décrivait et ceux qu’on avait croisés au concert – on finissait par douter : avions-nous vraiment vu Gabriel, ses amis, ses professeurs ?-, ce ne pouvaient être les trublions et ils ne pouvaient avoir la chance insensée de travailler dans le parc des artistes ! D’ailleurs, nous y rendant sur son indication, on trouva bien la tente dressée autour de l’estrade du Bechstein, un banc de piano, quelques chaises, mais la yourte enchantée était muette et vide.
-Photo Ch.Lemaire-
Je l’avais bien dit ! pensai-je très fort.
Tout cela est erroné.
Quelque fée du lieu aura trompé Isabelle.
Nous photographiâmes la salle vide, ouverte comme une tente de tournoi ou de camp d’armée royale : aucun prince, grand ni petit, aucun chevalier en vue dont nous portions pourtant les couleurs…
La tente du Rêve de Constantin était un mirage…
Nous partions profiter pourtant du parc enchanteur lorsque la poussière d’une jeune troupe en marche…
C’était l’avant-garde menée par le Général Serguei. Nous fûmes admises à écouter les exercices du matin.
Petit Prince Louis joua Ah ! vous dirai-je, maman ?
Lola égrena une fort jolie chose : qu’était-ce ?*** Gabriel et Lorenzo, comme Louis, se déliaient sur Mozart.
Et Serge demandait à chacun d’analyser son travail et celui des autres, la correction de tel défaut du petit doigt, le respect de telle nuance de la partition, l’expression d’une évolution dans le traitement du thème…
Les enfants participaient, écoutaient…, dans une infinie attention et bienveillance commune. Quelle grâce régnait sur ce petit groupe, quelle chance avait réuni ceux-là et leurs profs parmi les milliers d’élèves, les centaines de professeurs sur la place de Paris !
Quel bonheur offraient les seconds aux premiers !
Sylvian et les grands avaient rejoint le groupe. Isabelle nous avait bien dit de Manuel qu’il jouait les Variations de Liszt ; il renâcla à jouer « en public » celle encore mal maîtrisée dans sa technique, nous nous levâmes…
Invitées par Serge et Sylvian à nous rasseoir****, on entendit le somptueux travail en cours ; et l’hommage posthume de Schumann à tout virtuose s’attaquant à cette montagne-là.
Et puis Florian interpréter Kosma et Léonard jouer Haydn ; ce fut l’occasion d’une préparation du Concert de Zacharias, le soir.
Haydn, l’humour et la rigueur.
On aurait voulu pouvoir à longueur d’année se glisser dans la poche de Gabriel, pour entendre les cours de Serge et de Sylvian…
C’était midi, ils firent courir les jeunes chevaux impatients désormais de se dépenser (pourtant ils avaient fait leurs 35 mn de marche comme à chaque déplacement entre leur hébergement et le Parc de l’étude…) ; ils allaient manger, nous aussi, heureuses pour eux de tout cela.
On les revit le soir, Sylvian – ou bien est-ce Serge ?- ******kidnappa Zacharias, déjà près de sa Vel Satis du Festival et qui avait abrégé la dédicace payante des photos.
Le grand pianiste de Haydn et Mozart commenta en souriant le décapsulage des disques : il faudrait mettre en enfer – c’est à entendre avec un fort accent germanique- l’inventeur de ce procédé ; ses jours interminables seraient passés à déchirer à une cadence obligée le papier de cellophane protecteur.
Je n’avais pas d’appareil pour fixer la blonde Lola, le brun Gabriel alternant leurs efforts pour venir à bout …du papier du Mozart (les concertos en fa majeur et en ré mineur, 4ème volume des concertos interprétés et dirigés par Zacharias sans doute comme ici depuis son clavier au centre de la scène, lui étant dos au public et communiquant avec tous de sa haute taille par-delà le Steinway décapsulé…), sous l’œil charmé de Zacharias, sensible à tant de grâce simple…
Christian Zacharias, au matin : nous, nous l'avons vu... de face !
*Effectivement...
**C'est Serge qui plaida notre cause auprès d'Alexandre T., décrivant les enfants comme des modèles de sérénité, ce qu'ils s'appliquèrent à (re ?)devenir le temps de la répétition.
En contrepartie, nous avions promis de jouer les gendarmes et de barrer la route à tout intrus.
***Sans doute le "Rossignol vainqueur" de Couperin ou une petite pièce de Villa Lobos dont le titre m'échappe à cet instant.
****Ah, vous voyez bien !
*****J'ai, voyant le Maestro prêt à prendre place, demandé à Lorenzo de se précipiter.
Ce sont des extraits de "Fleurs de Bach", un fort beau "reportage" de Christine Lemaire, grand-maman maternelle de l'un de nos petits pianistes ; accompagnée de Dany, l'autre mamy –la "paternelle"-, Christine s'est lancée sur les traces de notre petite troupe à La Roque d'Anthéron.
Le sel de l'histoire (le grain venant en fin de prose), c'est que nos mômes, apparemment, avaient répandu le bruit que toute visite à notre petite bande était interdite aux parents et grands-parents !
Bien au contraire, l'arrivée de ces deux touristes mélomanes nous ravit.
*
-Episode 2-
On était vendredi, à midi ; la veille au soir, au cloître, à Soler, on n’avait pas encore vu nos drôles.
Où étaient-ils cachés ? Une vieille dame semblait loger sur le banc public, sans doute plus confortable que sa maison obscure : ce Midi, quant même, pensais-je en ma tête de Viking, où il ne faut pour rien au monde laisser entrer le dieu dès ses premiers rayons, où il faut vivre comme des taupes sauf à envahir les terrasses des bistrots et bistrotier fleuris, et les bancs publics !...
La dame, affable et pas trop sourde, n’avait entendu aucun son pianistique forcer les persiennes de l’ancienne mairie voisine.
Les enquêteurs doivent se faire discrets, nous le savons par Antoine Doisnel et son parcours dans Baisers Volés.
Baisers Volés, c’est bien le titre qu’il nous fallait : on n’allait décidément pas pouvoir embrasser Gabriel.
On partit à Lourmarin, visita le château, un pianiste s’entraînait au rez-de-chaussée, je ne l’avais jamais vu aux auditions saisonnières du Caveau de la République, fausse piste.
A l’étage un autre piano à queue dans une vaste bibliothèque, ils auraient été bien, là, un peu d’air lumineux agitait les tentures, l’espace était beau, les sols cirés antiques.
-Photo Ch. Lemaire-
Pas de Gabriel ni aucun de ses amis connus de nous.
On visita le centre et fit, comme tout le monde, halte à une terrasse, le garçon enregistra nos commandes vertes et fraîches, tourna le dos : son T-shirt le disait : on était « Chez Gaby ».
Quelle facétie, encore. S’appelait aussi ainsi le petit garçon de La Cigale, prié de prendre garde aux rares voitures annoncées toutes par la musique, vitres baissées.
Le destin se jouait de nous ! Rentrées, douchées, délicieusement traitées au meilleur restaurant de La Roque, nous partîmes au Parc de Florans : c’était celui de Sylvian, de Florian et le nôtre : au milieu de la foule des festivaliers, juste sur notre chemin, notre petit-fils ! « Gaby !
- Tiens ! fit-il, surpris.
– Ne fais pas l’idiot, dit en substance Serge, tu m’as dit hier que tes grands-mères étaient là !
Nous défîmes aussitôt nos masques et reprîmes l’apparence de grands-mères : l’enquête était finie.
C'étaient les cheveux de Lola...
Gabriel était bruni, couleur de pain d’épices, radieux.
Serge ironisa : allez vite le nourrir pour compenser nos mauvais traitements !
Nous n’avions aucune inquiétude et si elle avait existé, la vue de l’archange au paradis n’aurait pu être plus flagrant démenti.
Ils étaient tous beaux, joyeux, heureux.
Quelle chance avaient ces enfants. Louis s’avança, mais cela c’est le sujet du Petit Prince, le soleil perça le séquoia et les platanes pluri centenaires : c’étaient les cheveux de Lola, on se sépara pour entendre Alexandre Tharaud, j’aimais Bach, je le savais déjà.
Ce sont des extraits de "Fleurs de Bach", un fort beau "reportage" de Christine Lemaire, grand-maman maternelle de l'un de nos petits pianistes ; accompagnée de Dany, l'autre mamy –la "paternelle"-, Christine s'est lancée sur les traces de notre petite troupe à La Roque d'Anthéron.
Le sel de l'histoire (le grain venant en fin de prose), c'est que nos mômes, apparemment, avaient répandu le bruit que toute visite à notre petite bande était interdite aux parents et grands-parents !
Bien au contraire, l'arrivée de ces deux touristes mélomanes nous ravit.
Episode 1 I Mais ils sont où, les parisiens ?
J’aurais dû attendre Luis Fernando Pérez, ce jeudi 20 août 2009 à partir de 18h30 dans le cloître de L’Abbaye de Silvacane. Il joua J.S. Bach, sa Partita pour clavier n° 1 en si bémol majeur BWV 825 mais je n’y étais pas encore : ma voisine m’irritait de son éventail peu mallarméen, la chaleur des Bouches du Rhônem’accablait, l’incertitude du bien-fondé de ce voyage, les kilomètres de train parcourus depuis l’estuaire de la Loire, quitté la veille, où se remettait mieux ma cheville… Je n’entrai dans le concert que libérée par Soler, P.A. Soler, que réincarne sans doute Pérez. Ce ne fut pas éblouissant ce fut solaire –j’ose- et je sus que j’avais bien fait de venir. Bach fut servi le lendemain dans toute la 2ème partie de son concert par Alexandre Tharaud. C’était au Parc du château de Florans, on avait rencontré par hasard, à l’entrée, nos musiciens fugueurs, la musique était toute là et j’oubliai vite cette drôle de transcription de quatuor pour un orchestre à cordes, suivie de l’Adagietto de la 5ème de Mahler : non, cette 1ère partie n’était qu’une curieuse mise en bouche mal programmée par l’Amsterdam Sinfonietta. Avec Bach, on y était. Tiens, je vais réécouter, puisque notre monde technologique nous livre dans l’intimité de nos maisons le travail des artistes, je vais réécouter…la Sicilienne du Concerto en ré mineur BWV 596. Je prends aussi derrière le temps du Largo -tempo céleste- du Concerto en sol mineur BWV 590. Comme c’est beau, et qu’ils ont de la chance, Lola, Manuel, Louis et les autres, que leurs Mentors leur enseignent aussi le recueillement et la nuance. Barthes, ce paronyme de Bach, avait créé la « diaphoralogie », « science des nuances et des moires ». Sylvian et Serge sont de bons Diaphoralogues, je n’ai pas dit des Diafoirus, nom d’un Grand Bach !
On nous l’avait bien dit : nous allions être déçues, il était moins que certain que le concert de fin de « stage en Roquedanthéronie » aurait lieu : nous n’allions donc que gêner sur les pas de Gabriel. Comme on sait (encore un peu), Gabriel, au mieux, nous virerait courtoisement du domaine du Paradis. Quant à entendre la musique des anges et des archanges,…ou des apprentis musiciens, cela ne serait pas et d’ailleurs nous ne savions ni le jour ni l’heure…ni le lieu du mystérieux concert.
Notre première logeuse, la belle Cécilia, ignorait tout du Festival in, alors le mini-off, vous pensez ! Le vendredi, donc, lendemain de notre parachutage, nous nous rendîmes au matin à l’Office du Tourisme. Le nom (est-ce l’actuel ou le précédent, je m’y perds ?!) de Syndicat d’Initiatives nous y encourageait : nous la prîmes. La Roque n’est un petit village que pour les ingambes… Je ressentis cruellement la porte close ; trop tôt, il fallait revenir et prendre garde aussi aux heures de sieste, bien légitimes au demeurant, vu les pics thermiques à plus de 36° centigrades. La dame accablée de courrier à traiter nous dit que oui, des enfants résidents, des musiciens sans doute, peut-être… Un concert ? Ah non, rien de prévu. De l’arrière-salle un baryton s’éleva pour contrer la mezzo : il avait vu passer quelque chose, il avait été question d’enchanter le temple protestant mais il y avait une embrouille, un empêchement, des difficultés, il ne savait plus quoi. Il fallait retrouver un courriel des services techniques de la Mairie. La pile remuée n’offrit rien de semblable, on rappela la Mairie. La dame d’ici échangea avec la dame de là sur leurs vies respectives, leurs tâches, leurs amours, leurs enfants, on arriva au sujet : les petits et grands enfants des détectives. Las ! Le concert avait bien été prévu, il aurait bien eu lieu au Temple, quelque Diable l’avait empêché, il était annulé.*
Les enfants ? Ils s’entraînaient à l’ancienne Mairie, en haut de la rue Clémenceau, au-dessus du bistrot « La Cigale ». « Gesang ist Dasein », exister, c’est chanter, proclamaient muettement, après Rilke, les clients de la terrasse toujours pleine de La Cigale. Peut-être l’un saurait-il, ou le maître des lieux, affable dans son short à fleurs, toujours prêt à vous caler une table bancale avec le journal du jour : à quoi bon les nouvelles ? les jours ne s’écoulent-ils pas ici sous un soleil égal qui assèche utilement les gosiers ?
(à suivre )
"Ils s’entraînaient à l’ancienne Mairie, en haut de la rue Clémenceau, au-dessus du bistrot « La Cigale ».
« Gesang ist Dasein », exister, c’est chanter, proclamaient muettement, après Rilke, les clients de la terrasse toujours pleine de La Cigale "
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* Effectivement : le concert des enfants, dont vous imaginez le désappointement, fut annulé pour des raisons techniques (instrument inadapté, pas de communication et donc salle vide en perspective !).
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