lundi 14 septembre 2009

Chère Lockie et Roque Enguibole mènent l'enquête (par Christine Lemaire) (épisode 3)


Ce sont des extraits de "Fleurs de Bach", un fort beau "reportage" de Christine Lemaire, grand-maman maternelle de l'un de nos petits pianistes ; accompagnée de Dany, l'autre mamy –la "paternelle"-, Christine s'est lancée sur les traces de notre petite troupe à La Roque d'Anthéron.
Le sel de l'histoire (le grain venant en fin de prose), c'est que nos mômes, apparemment, avaient répandu le bruit que toute visite à notre petite bande était interdite aux parents et grands-parents !
Bien au contraire, l'arrivée de ces deux touristes mélomanes nous ravit.
-Episode 3-

Isabelle (Isabelle B., mélomane de rencontre de nos 2 enquêtrices/ndlr) s’était vite éclipsée le soir, peu soucieuse de bavarder sur la musique de son idole, Alexandre T.
Isabelle est pianiste et l’on parla de ce curieux programme* du vendredi soir, avec l'Amsterdam Sinfonietta, ce quatuor de Beethoven, le n° 11 en version pour orchestre à cordes, puis cette lente mort à Venise de l’Adagietto de Mahler pour enfin Bach occupant toute la 2ème partie où, quant à moi, je préférai le piano seul…
Mais Isabelle parlait aussi de notre petite troupe : elle les avait vus et entendus, plusieurs fois, et entendu jouer.
Et même à cause d’eux – mais elle ne semblait pas leur en tenir grief- elle avait dû renoncer à suivre la répétition de Tharaud : les gamins l’avaient gêné ; et pourtant Sylvian (quel avocat !) ou bien est-ce Serge ? avait su plaider leur cause : on avait chassé les autres auditeurs…et gardé les enfants turbulents** ; Alexandre Tharaud se souvenait de son enfance proche !
Elle savait aussi que leur lieu d’entraînement était le Parc même du château, celui dont les feuilles et les sources avaient gardé la mémoire de Nicolas Angelich, Boris Berezovsky, Brigitte Engerer, Shani Diluka, Jean-Frédéric Neuberger, Zhu Xiao-Miei, Andrei Korobeinikov, Anne Queffélec, Jean-Claude Pennetier, Claire Désert, Emmanuel Strosser…!
J’aimais bien Isabelle mais elle ne pouvait que se tromper : même si coïncidaient les portraits des enfants qu’elle décrivait et ceux qu’on avait croisés au concert – on finissait par douter : avions-nous vraiment vu Gabriel, ses amis, ses professeurs ?-, ce ne pouvaient être les trublions et ils ne pouvaient avoir la chance insensée de travailler dans le parc des artistes ! D’ailleurs, nous y rendant sur son indication, on trouva bien la tente dressée autour de l’estrade du Bechstein, un banc de piano, quelques chaises, mais la yourte enchantée était muette et vide.
-Photo Ch.Lemaire-
Je l’avais bien dit ! pensai-je très fort.
Tout cela est erroné.
Quelque fée du lieu aura trompé Isabelle.
Nous photographiâmes la salle vide, ouverte comme une tente de tournoi ou de camp d’armée royale : aucun prince, grand ni petit, aucun chevalier en vue dont nous portions pourtant les couleurs…
La tente du Rêve de Constantin était un mirage…
Nous partions profiter pourtant du parc enchanteur lorsque la poussière d’une jeune troupe en marche…
C’était l’avant-garde menée par le Général Serguei. Nous fûmes admises à écouter les exercices du matin.
Petit Prince Louis joua Ah ! vous dirai-je, maman ?
Lola égrena une fort jolie chose : qu’était-ce ?*** Gabriel et Lorenzo, comme Louis, se déliaient sur Mozart.
Et Serge demandait à chacun d’analyser son travail et celui des autres, la correction de tel défaut du petit doigt, le respect de telle nuance de la partition, l’expression d’une évolution dans le traitement du thème…
Les enfants participaient, écoutaient…, dans une infinie attention et bienveillance commune. Quelle grâce régnait sur ce petit groupe, quelle chance avait réuni ceux-là et leurs profs parmi les milliers d’élèves, les centaines de professeurs sur la place de Paris !
Quel bonheur offraient les seconds aux premiers !
Sylvian et les grands avaient rejoint le groupe. Isabelle nous avait bien dit de Manuel qu’il jouait les Variations de Liszt ; il renâcla à jouer « en public » celle encore mal maîtrisée dans sa technique, nous nous levâmes…
Invitées par Serge et Sylvian à nous rasseoir****, on entendit le somptueux travail en cours ; et l’hommage posthume de Schumann à tout virtuose s’attaquant à cette montagne-là.
Et puis Florian interpréter Kosma et Léonard jouer Haydn ; ce fut l’occasion d’une préparation du Concert de Zacharias, le soir.
Haydn, l’humour et la rigueur.
On aurait voulu pouvoir à longueur d’année se glisser dans la poche de Gabriel, pour entendre les cours de Serge et de Sylvian…
C’était midi, ils firent courir les jeunes chevaux impatients désormais de se dépenser (pourtant ils avaient fait leurs 35 mn de marche comme à chaque déplacement entre leur hébergement et le Parc de l’étude…) ; ils allaient manger, nous aussi, heureuses pour eux de tout cela.
On les revit le soir, Sylvian – ou bien est-ce Serge ?- ******kidnappa Zacharias, déjà près de sa Vel Satis du Festival et qui avait abrégé la dédicace payante des photos.
Le grand pianiste de Haydn et Mozart commenta en souriant le décapsulage des disques : il faudrait mettre en enfer – c’est à entendre avec un fort accent germanique- l’inventeur de ce procédé ; ses jours interminables seraient passés à déchirer à une cadence obligée le papier de cellophane protecteur.
Je n’avais pas d’appareil pour fixer la blonde Lola, le brun Gabriel alternant leurs efforts pour venir à bout …du papier du Mozart (les concertos en fa majeur et en ré mineur, 4ème volume des concertos interprétés et dirigés par Zacharias sans doute comme ici depuis son clavier au centre de la scène, lui étant dos au public et communiquant avec tous de sa haute taille par-delà le Steinway décapsulé…), sous l’œil charmé de Zacharias, sensible à tant de grâce simple…

Christian Zacharias, au matin : nous, nous l'avons vu... de face !
*Effectivement...
**C'est Serge qui plaida notre cause auprès d'Alexandre T., décrivant les enfants comme des modèles de sérénité, ce qu'ils s'appliquèrent à (re ?)devenir le temps de la répétition.
En contrepartie, nous avions promis de jouer les gendarmes et de barrer la route à tout intrus.
***Sans doute le "Rossignol vainqueur" de Couperin ou une petite pièce de Villa Lobos dont le titre m'échappe à cet instant.
****Ah, vous voyez bien !

*****J'ai, voyant le Maestro prêt à prendre place, demandé à Lorenzo de se précipiter.
(Sylvian)
(à suivre)

Aucun commentaire: